« Pour une philosophie politique critique »
-Tous les seconds samedis du mois- (16h30 à la BAM)
AVIS A NOS AMI-E-S PHILOSOPHES CRITIQUES : LE SÉMINAIRE REPRENDRA EN JANVIER 2017 – DATES À VENIR PROCHAINEMENT
Introduction
La critique d’un ordre social et politique a besoin d’une perspective, d’un horizon de sens pour parvenir à problématiser les analyses ; le seul point de vue qui vaille en ces domaines, c’est celui de l’émancipation humaine. Or, de ce côté-là, le ciel s’est bien obscurci, du moins en France, depuis quelques temps. De ce fait l’analyse critique n’a souvent plus de points d’appui, plus de repères, évitant même soigneusement de développer toute problématique : « On se réfère à un ensemble de connaissances très élaborées mais qui deviennent sans conséquences, dont il ne sera rien tiré. C’est par exemple ce que l’on rencontre fréquemment dans certains discours académiques : une accumulation de connaissances très développées, très intéressantes, un déploiement de savoirs rigoureux et argumentés qui, pourtant, peuvent très bien ne jamais devoir engager leur auteur et se révèlent dès lors sans aucun effet » 1. De même, dans les séminaires, colloques et conférences, continuer à projeter sous l’égide de PowerPoint des séries de chiffres, de données, de tableaux et finalement proposer pour toute perspective politique « d’inverser les courbes », que ce soit celle du réchauffement climatique ou celle du chômage, c’est non seulement le plus sûr moyen de dépolitiser tous les débats, mais cela participe d’une aliénation de masse qui peut être succinctement exposée de la manière suivante : la rationalité calculatrice et transgressive au fondement du capitalisme et du mode de connaissance scientifique a fini par structurer en profondeur l’imaginaire occidentalisé. Cette anomie générale est aussi le prix, depuis des lustres, des reniements, des défaites, de l’invasion néolibérale et d’une forme de servage inédite dans l’histoire de l’humanité : l’employé branché est aujourd’hui plus attaché à sa machine que le prolétaire du début du XIXe siècle à son métier à tisser. Faute de cet horizon d’émancipation, le devenir catastrophique du monde et du vivant – qu’il ait pour origine des activités industrielles, nucléaires ou financières – s’est invité dans nos vies pour nous rappeler « le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes »,2 prenant ainsi la place d’une critique défaillante.
1 Jean-Pierre Lebrun, La condition de l’homme n’est pas sans conditions, Denoël, 2010, p. 23.
2 Référence au merveilleux livre de Baudouin de Bodinat, La vie sur terre. Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, Tomes 1 et 2, Ed. L’Encyclopédie des Nuisances, 2008.
– Seront abordées, au cours du séminaire,
Des questions méthodologiques transversales :
- Les critiques néo-marxienne (critique de la valeur ou Wertkritik), écologique et psychanalytique du capitalisme.
- Les points aveugles de Freud : pulsion de mort, histoire et politique.
- Loin des « sciences studies », une critique de l’axiologie à l’œuvre dans le mode de connaissance scientifique. L’origine des origines et la théorie de grande unification, comme horizon inévitable du mode de connaissance scientifique.
- Le capitalisme à la fin du XIXe siècle : une Synthèse sociale ou un « fait social total » qui débouche sur la première guerre totale, thermo-industrielle et mondiale.
- Les retards de conceptualisation et la disparition des intellectuels.
Les prémisses historiques et théoriques :
- Hiroshima et Nagasaki, des crimes contre l’humanité et biocides d’un genre nouveau (universel, systémique et persistant), accompagnés de régressions inédites. Face au négationnisme d’Etat, aucune mémoire souverainement organisée n’en soutient la nature.
- La légitimation intellectuelle d’une rationalité calculatrice et transgressive qui structure l’imaginaire capitaliste.
- Réel, Symbolique et Imaginaire comme outil d’analyse. Le Réel à portée de main et l’asthénie du désir. Les grands barrages érigés sur le chemin de la sublimation.
- L’eugénisme comme outil et entreprise d’épuration ethnique de l’Humanité. Une remise en cause radicale des fondements de toute vie sociale.
Retour au temps long, à la conceptualisation et à la problématisation :
- De l’historiographie du capitalisme depuis deux siècles (les secrets de famille de l’Occident). Il s’est produit depuis la fin du XVIIIe siècle un bouleversement plus profond, bien plus déterminant et plus universellement étendu que celui qui a été qualifié de Renaissance du XVIe siècle en Occident.
- Le tragique universel d’Auschwitz et d’Hiroshima ne sont toujours pas compris à ce jour. Que restait-il des fondements de notre humanité avant 1945 ?
- Du capitalisme depuis 1945 et la prise de pouvoir des Complexes. Les soi-disant 30 glorieuses. La recherche d’une autre forme de domination, plus moderne, plus scientifique et la guerre générale au vivant. Les concepts de totalitarisme démocratique et d’érotisation panoptique de la mort.
- Sept décennies après, sommes-nous entrés dans une nouvelle période historique ? Mémoire, histoire, incessants retours du refoulé.
- L’anthropologie politique de l’effondrement civilisationnel et individuel en cours. Le fantasme du self made man à la mode transhumaniste. Violences, radicalisations, ressentiment, douleur et luttes de territoires.
- Les nécessaires articulations entre morale, philosophie, politique et théorie critique. De la banalisation du mal à l’obsolescence du vivant. La misérable circularité des raisons de vivre. Des entomologistes-participant qui organisent notre « demi-vie » sur la paillasse du laboratoire Terre.
- Les réquisits et les difficultés majeures auxquelles se heurte la critique radicale.
Jean Marc Royer, février 2016
Les premiers rendez-vous du séminaire se dérouleront sous forme de conférence, suivie de débat.
La participation de tout-e un-e chacun-e est bienvenue. Le cas échéant, les contributions (exposés, lectures, … ) de tout-e un-e chacun-e aussi !
Des documents seront distribués et mis en ligne, les séances enregistrées (audio).
Bibliographie introductive
– François Jarrige, Face au monstre mécanique, une histoire des résistances à la technique, Imho, 2009.
– Zygmunt Bauman, Modernité et Holocauste, éd. Complexe, 1989.
– André Pichot, La société pure. De Darwin à Hitler, Flammarion, 2000.
– Claude Lorius, Voyage dans l’Anthropocène, Actes Sud, 2010.
– Alain Gras, Le Choix du feu. Aux origines de la crise climatique, Fayard, 2007.
– Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Paris, Fayard, 2008.
– Alain Dubois, Jean Rostand, un biologiste contre le nucléaire, Berg International, 2011.
– Sven Lindqvist, Histoire des bombes, Serpent à plumes, 2002 et Exterminez toutes ces brutes, Arènes, 2007.
Sur le mode de connaissance scientifique
– François Lurçat, La science suicidaire, François-Xavier de Guibert, 1999 et L’autorité de la science, Ed du Cerf, 1995.
– Jean-Pierre Lebrun, Un monde sans limite, ERES, 2009 et La condition humaine n’est pas sans condition, Denoël, 2010.
– Joseph Needham, La science chinoise et l’occident, Seuil, 1973
– Revue Entropia N° 15 de l’automne 2013 : les articles d’Aurélien Berlan, Guillaume Carnino, Bertrand Louart.
– Jean-Marc Royer, La science, creuset de l’inhumanité. Décoloniser l’imaginaire occidental, l’Harmattan, 2012.
Quelques philosophes et essayistes
Günter Anders :
– L’obsolescence de l’Homme, Encyclopédie des Nuisances, 2002.
– L’Obsolescence de l’Homme, tome 2, Fario, 2011.
– Nous, fils d’Eichmann, Rivages, 2003.
– La menace nucléaire ; considérations radicales sur l’âge atomique, Serpent à Plumes, 2006.
– Le temps de la fin, L’Herne, 2007
– Hiroshima est partout, Seuil, 2008.
Hannah Arendt :
– La crise de la culture, Gallimard, 1989.
– Condition de l’homme moderne, Pocket, 1992.
– Les origines du totalitarisme. Eichmann à Jérusalem, Gallimard, 2002.
Cornélius Castoriadis :
– La Montée de l’insignifiance ─ Les Carrefours du Labyrinthe IV, Seuil, 1996.
– Ce qui fait la Grèce, 1. D’Homère à Héraclite, Seuil, 2004.
– Domaines de l’homme. Les Carrefours du labyrinthe II, Seuil, 1986.
– Le Monde morcelé. Les Carrefours du labyrinthe III, Seuil, 2000.
– Fait et à faire. Les Carrefours du labyrinthe V, Seuil, 1997.
– La Société bureaucratique, Bourgois, 1990.
– Post-scriptum sur l’insignifiance, entretien avec D. Mermet, Éditions de l’Aube, 2007.
– L’institution imaginaire de la société, Seuil, 2006.
– Les carrefours du labyrinthe, Seuil, 2006.
– Fenêtre sur le chaos, Seuil, 2007.
– Une société à la dérive, Points 2011.
Serge Latouche :
– L’Occidentalisation du monde, La Découverte, 1983 et 2005.
– La Mégamachine : Raison technoscientifique, raison économique et mythe du progrès, 1995.
– Décoloniser l’imaginaire : La Pensée créative contre l’économie de l’absurde, Parangon, 2003.
– Survivre au développement, Mille Et Une Nuits, 2010.
– Geneviève Azam, Le temps du monde fini, Les liens qui libèrent, 2010.
– Pierre Clastres, La société contre l’Etat, éd. De Minuit, 1974.
– Majid Rahnema, Quand la misère chasse la pauvreté, Fayard/Actes Sud, 2003 et La puissance des pauvres, Actes Sud 2008.
Littérature
– Ira Levin, Un bonheur insoutenable, J’ai lu SF, 2003 (épuisé mais disponible en PDF sur ne Net).
– Baudouin de Bodinat, La vie sur terre. Réflexion sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, Tomes 1 et 2, Encyclopédie des Nuisances, 2008. Difficile, mais c’est un grand poète.
– Stefan Zweig, Le Monde d’hier, souvenir d’un européen, poche LGF, 1997.
– Kenzaburô Ôé, Notes de Hiroshima, Folio Gallimard, 1965, 1996
– Upton Sinclair, La jungle, Gutenberg, 2008.
– Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, Stock, Delamain et Boutelleau, 1931.
– Georges Duhamel, Scènes de la vie future, Mille et une nuits, 2003.
Séances
Samedi 13 février 2016 : « Hiroshima, point de bascule de la civilisation capitaliste »
Introduction
Documents préparatoires (téléchargeables) :
Le projet Manhattan, b. La décision de bombarder, c. Les sales bombes, d. Le négationnisme organisé.
Filmographie introductive :
– Kenichi Watanabe, La face cachée d’Hiroshima, 2011.
– Marc Petit Jean, Blessures atomiques, 2006.
– Renzo Kinoshita, Pikadon, 1988.
– Isao Hashimoto, 1945-1998, 2003.
Écouter :
Introduction : intervention au Séminaire sur la critique de la valeur (rediffusion)
Première et Seconde Partie
Samedi 12 mars 2016 : « Réel, Symbolique et Imaginaire du capitalisme »
Documents préparatoires (téléchargeables) :
a. Au-delà du principe de plaisir (Freud, 1920), b. L’avenir d’une illusion (Freud, 1927), c. Ce que ni Freud ni ses contemporains n’ont vu venir et qu’il n’aura pas su analyser : de la montée de l’eugénisme à celle du nazisme (Jean-Marc Royer, 2016).
Écouter :
Samedi 9 avril 2016 : « Le virage du XXe siècle »
Documents préparatoires (téléchargeables) :
a. Taylor, un des artisans des obsolescences , b. Émergence puis effondrement d’une civilisation capitaliste en Occident , c. Interview et film de T. Le Texier.
Émission « Sortir du capitalisme » du 15 mars sur Radio Libertaire :
Samedi 14 mai 2016 : « Articulation de la philosophie politique et de l’actualité »
Documents préparatoires (téléchargeables) :
a. Le renversement civilisationnel.
Samedi 11 juin 2016 : « Articulation de la philosophie politique et de l’actualité » (suite)
Documents préparatoires (téléchargeables) :
a. Sade, prochain de qui ?,
b. De l’eugénisme au nazisme,
c. Imaginaire et Stratégie 15/05/16,
d. Imaginaire et Stratégie 24/05/16,
e. Les surnuméraires,
f. La critique radicale (Nuit Debout République)
Écouter :