BAM !
Bibliothèque Associative de Malakoff
APPEL du Taslu
Categories: Brèves

 

Ce dimanche 22 avril à 14h, la bibliothèque du Taslu appelle les troupes de l’imaginaire à se mobiliser :

Nous lirons ensemble face à ceux qui nous menacent, et érigerons des barricades de mots pour que le courage des insurrections passées, poétiques ou romanesques, nous donne de l’allant dans les batailles à venir.

Depuis 2012, nous prédisions que si l’État voulait derechef tenter de mater la zad, il reviendrait avec l’armée. Nous ne nous trompions pas. C’est bien une opération militaire qui a cours depuis le 9 avril, avec ses colonnes de blindés et de camions bâchés, avec ses grenades, ses drones, ses troupes. Au milieu du bocage à peine paré de printemps, nous voici sous les feux du gouvernement. Nos nuits sont ponctuées par le passage des hélicoptères éclairant nos lits de leurs spots, des signaux d’alarme provenant d’un quartier qu’ils attaquent, des appels de nos voisins au talkie-walkie. Ils ont amené dans nos vies leur guerre, pensant réduire à néant ce que nous vivons ici comme ils le feraient d’une armée étrangère. Mais voilà, malgré les destructions, malgré la violence inouïe de leurs armes, nous ne plions pas. En place de la débandade qu’ils prévoyaient, ce sont au contraire des milliers de personnes qu’ils voient affluer. Car on ne met pas les tanks face à la foule sans convoquer l’imaginaire des grandes résistances populaires : du printemps de Prague à la place Tian’anmen. Toujours les puissants sous-estiment le courage des populations. Leur pensée martiale ne conçoit guère la force d’une émotion partagée, c’est pourquoi ils ratent l’essentiel : leur présence même a déclenché ici une puissance qui ne cesse désormais de s’accroître. Et évidemment, la seule réponse qu’un militaire peut avoir dans ce cas est le redoublement du feu, la menace d’une guerre totale.

Ainsi, si vendredi dernier la préfète a annoncé dix jours de trêve des destructions, ce n’est finalement que pour mieux mettre sous la gorge du mouvement son « formulaire de déclaration de projet agricole individuel ». Nous aurions, chacun, jusqu’au 23 avril pour le signer, sans quoi ce qui est encore debout à la zad serait balayé par les bulldozers. L’État refuse jusqu’ici catégoriquement le projet collectif que le mouvement propose. Il semble même que le simple mot « collectif » le fasse ruer dans les brancards et sortir ses chars d’assaut. Une allergie finalement compréhensible en ces temps où chaque espace doit avoir sa fonction, chaque individu sa tâche définie, tout et tous étant bien séparés les uns des autres. La campagne, c’est fait pour l’agriculture et puis c’est tout. Les livres, les concerts, les débats, on les trouve à la ville, voilà. Qu’un coin de campagne ait développé un tel entrelacement de liens et d’activités, sans avoir cure de mettre entre eux les barrières des classifications, quel scandale ! Que tous ici soient un peu paysans, un peu artisans, un peu poètes, un peu barricadiers, sans destin univoque, quel fouillis ! L’ordre républicain dont ils se réclament est aussi celui qui consiste à ranger la maison pour mieux la contrôler, quitte à n’y entretenir que la tristesse et l’ennui. Il se trouve qu’à la bibliothèque du Taslu, il nous sied de cultiver un certain désordre. Il y a de la poésie dans la politique et les bandes dessinées philosophent. Et comble de l’horreur, nous n’avons aucun projet agricole, encore moins « individuel ». Que signifierait d’ailleurs une bibliothèque individuelle ? Nous ne convoitons aucune parcelle, ne pouvons nous enorgueillir d’aucun diplôme agricole, et n’avons aucune production à vendre. Les nourritures spirituelles ne se quantifient pas, semble-t-il, à l’étalon des exigences étatiques. Nous sommes donc, comme tant d’autres ici, menacés de voir les blindés confluer vers nous dès la semaine prochaine. Car en l’absence de toute sortie de crise crédible pour le territoire de la zad, tout nous laisse à penser qu’ils vont venir finir leur sale boulot et entamer une seconde vague de destructions encore plus massives.

Nous avons dimanche dernier déterré les bâtons du talus où nous les avions plantés le 8 octobre 2016. Ce jour-là, des milliers d’entre vous avaient également apporté un livre à la bibliothèque. Dimanche 22 avril, nous demandons donc à toutes celles et ceux qui depuis un an et demi ont fréquenté le Taslu, y sont intervenus ou voulaient y intervenir, de converger à 14 heures à la Rolandière. Nous y lèverons une armée d’un tout autre genre : les troupes de l’imaginaire. Dans votre paquetage, avec le sérum physiologique vous embarquerez un court extrait de texte parlant de résistance. Nous les lirons ensemble face à ceux qui nous menacent, et érigerons des barricades de mots pour que le courage des insurrections passées, poétiques ou romanesques, nous donne de l’allant dans les batailles à venir.

Ensemble nous sauverons le Taslu, ensemble nous sauverons la zad.

Pour faciliter l’organisation de la journée, merci de nous communiquer votre présence ainsi que l’extrait que vous souhaiterez lire à l’adresse : letaslu@riseup.net

 

 

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