Nous vous invitons ce vendredi 25 septembre à venir discuter de l’introduction de la vidéosurveillance à Malakoff, entre autres « retours à l’anormal » observés depuis le dé-confinement. La discussion sera animée par le collectif En Marge! et en travers, déjà à l’initiative d’une pétition et du texte ci-après.
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Vidéoprotection, vraiment ?
À Malakoff, la vidéo-surveillance a fait son entrée surprise dans l’espace public, quelques semaines après le dé-confinement.
La nouvelle majorité municipale, PCF-PS-FI-Écolo à peine installée n’y faisait pourtant aucune allusion dans son programme électoral. Alors que s’était-il passé entre temps, quelle tragédie¹ justifiant une telle mesure ?
On sera à peine surpris d’apprendre que la vidéosurveillance – applaudie par l’opposition LREM et votée à l’unanimité des élu-es !1b – viendrait répondre non pas à une criminalité grave qui pèserait sur le quotidien de nos concitoyen.nes, mais à des problèmes de tapage, et « d’incivilités ».
Ces problèmes étant pourtant redevables à des habitant.es de la ville, familier.es, et connu.es de tous.tes : pour le quartier Pierre Valette, les usager-es du mini-stade qui fréquentaient celui-ci en soirée hors des plages horaires; et sur la place du marché, des personnes alcoolisées qui occupaient jusque tard le soir, quelques bancs des travées.
Tous supprimés depuis par la mairie.
Tous supprimés depuis par la mairie.
Quelles qu’en soient les justifications, et l’efficacité présumée à résoudre des problèmes, qu’elle soit provisoire ou pérenne, branchée directement aux terminaux du commissariat, ou contrôlée par un « comité d’éthique et d’évaluation », la vidéosurveillance n’en représente pas moins dans la vie d’une commune, un point de bascule, un engrenage dont les implications dépassent largement le motif initial. Pour le quotidien que nous partageons en tant qu’habitant.es, pour ce que signifie vivre en société, pour nos libertés enfin, radicalement menacées sous des auspices vidéo-surveillées2.
À bien des égards la « vidéoprotection », dans ses tribulations sémantiques, juridiques3, comme dans ses applications réelles, n’est qu’un avatar du système capitaliste actuel, en résonance avec d’autres qui le précèdent : gentrification, métropolisation, privatisation4.
Elle est dans l’espace, son dernier fer de lance pour surveiller et punir, mais également son cheval de Troie, sans pareille pour museler et assimiler des territoires jusqu’alors soustraits à son hégémonie5.
Elle est dans l’espace, son dernier fer de lance pour surveiller et punir, mais également son cheval de Troie, sans pareille pour museler et assimiler des territoires jusqu’alors soustraits à son hégémonie5.
À tous égards, nous refusons de l’accepter, de l’intégrer comme une nouvelle norme de vie sociale, comme un énième mal nécessaire.
Nous invitons à réfléchir aux moyens d’y résister collectivement.
Nous invitons à réfléchir aux moyens d’y résister collectivement.
En Marge! et en travers
1° Le coronavirus ? On nous a bien habitués depuis ce début de 21è siècle, à voir tout choc collectif servir de prétexte à une régression de nos libertés.
1bis° Voir la vidéo du conseil municipal du 3 juin 2020.
2° Derrière ses différentes appellations, la vidéosurveillance est avant tout un dispositif répressif, instaurant une annulation de la présomption d’innocence : avec des caméras, tout le monde se retrouve du jour au lendemain présumé suspect, en demeure de prouver son innocence dans son comportement de chaque instant, et non plus devant un tribunal. Par ailleurs, en visant a priori certains types de délits, la vidéosurveillance isole, relègue, bannit un certain type de population. Elle ne représente de solution que discriminatoire, en réponse aux problèmes engendrés par les inégalités préexistantes : elle exacerbe ces dernières plus qu’elle ne les contient, et réprime celles et ceux qui en font déjà les frais.
3° «Mal nommer un objet c’est ajouter au malheur de ce monde». L’expression mensongère de « vidéoprotection » (une caméra ne protège pas plus qu’une vidéo) doit beaucoup au lobbying intense de l’AN2V (association nationale des villes vidéosurveillées, devenue association nationale de vidéoprotection) auprès des communes de France à partir des années 2000. Cette prouesse de novlangue orwellienne instituée par Nicolas Sarkozy, aura finalement été reprise comme telle par le conseil municipal. Glissade réussie ! Au demeurant, cette expression était déjà défendue par J.Belhomme dans sa précédente mandature, en opposition à la vidéosurveillance : …mais comment tenir cette distinction à présent, avec quatre caméras pivotantes à 180°, déployées sur la place ?
4° « Privatisation » a beaucoup infusé l’imaginaire contemporain. Au point de s’être dernièrement retourné en son contraire : une valeur positive, voire une idée du bonheur, depuis qu’elle désigne la jouissance exclusive et temporaire d’un lieu public en même temps que l’exclusion -jouissive?- du public de ce lieu. Reléguant définitivement « location » et « réservation » au musée des expressions anachroniques et ringardes. On appréciera donc de voir figurer « Privatiser le lieu » parmi les items sympas du site de la nouvelle « Tréso« , tiers lieu creuset « d’économie sociale et solidaire » récemment inauguré par la municipalité. Mise à jour du 10 octobre 2020 : tiens c’est étrange, « privatiser » a finalement disparu du site, remplacé par « réserver »… la fréquentabilité du lieu y survivra-t-elle ?
5° Voir à ce titre le film « Tous surveillés – 7 milliards de suspects« , Sylvain Louvet, 2020.